Note de présentation
Rappel sur le crédit renouvelable
Un crédit renouvelable est un produit sur le principe assez simple mais dont le fonctionnement revet certains mécanismes qui le rendent difficile à appréhender par le consommateur.
Dans un crédit renouvelable, le client dispose d'un droit de tirage sur une ligne de crédit jusqu'à un encours maximum—nommé montant total du crédit. En échange il paye des intérets sur le montant effectivement emprunté.
Durant la vie du contrat, il y a des phases d'augmentation de la dette—le client se sert soit de l'instrument de paiement lié quand il existe, soit demande un virement—et des phases d'amortissement—il paye les intérêts et rembourse une partie du capital emprunté.
Dans certains pays le recours à ce type de crédit est quasi généralisé. En France il est plutôt utilisé par des clients en situation de fragilité financière et pour des montants somme-toute relativement faibles.
L'aspect ouvert de ces contrats amène les prêteurs à proposer des taux significativement plus élevés que les crédits « fermés » où le client emprunte une somme fixe d'argent et amortit le capital sur une durée déterminée à l'avance. En effet les incidents de défaut sont plus importants.
Les abus directement liés à la formule sont relatifs aux taux élevés et à la nature ouverte du produit. Ils permettent au prêteur d'accumuler des intérêts sur une longue durée.
Depuis des années la volonté constante du législateur et du régulateur tant au niveau européen que national est d'encadrer ces prêts à la consommation afin d'éviter les abus et de protéger les consommateurs.
Les deux principaux outils mis en place sont la limitation des taux via la réglementation sur l'usure et la limitation de la durée totale de remboursement. Conjointement, ils ont pour but d'éviter le piège de la dette éternelle en forçant les préteurs à limiter la durée maximale et les taux qu'ils pratiquent.
Rappel sur le cadre réglementaire
L'immense majorité du dispositif réglementaire sur le crédit en France y compris immobilier est repris dans le livre 3 du code de la consommation, articles L.311-1 à L.354-6 et D.312-1 à R.354-5. Le code monétaire et financier se contente de quelques définitions générales et renvoit pour l'essentiel au code de la consomation.
Pour ce qui est du crédit renouvelable, outre les généralités applicables à tous les types de crédit (TAEG et usure notamment), les sections applicables sont les articles L.312-57 à L.312-83 et les articles D.312-21 à D.312-31.
TAEG et des seuils de l'usure.
Le Taux Annualisé Effectif Global, un outil de comparaison à disposition du consommateur et du régulateur.
La réglementation—au sens large—impose aux prêteurs de calculer et de communiquer les taux des offres qu'ils commercialisent pour permettre aux consommateurs de comparer les offres et de faire un choix éclairé. Cet outil est aussi à disposition du régulateur en ce qui concerne la conformité quant à l'usure.
Conceptuellement, il représente le coût moyen de l'argent tout au long de la durée du crédit.
Son calcul est défini réglementairement selon les types de contrat de crédit. La méthode générale est celle de la compensation des flux actuariels qui consiste à trouver le taux d'inflation qui égalise les décaissements et les remboursements.
Les taux d'usure sont publiés par trimestre par la Banque de France. Actuellement, pour ce qui concerne la catégorie des crédits à la consommation, ils varient selon « le montant du crédit » et le taux va d'environ 7% pour les crédits de plus de 6000€ à 20% pour les crédits de petit montant, inférieurs à 3000€. Le contrôle du caractère usuraire se fait sur le TAEG (article L.312-6).
Cas des crédits renouvelables
L'ensemble du marché du crédit renouvelable semble s'être stabilisé sur des offres proposant un taux débiteur dépendant de l'encours du crédit, collés aux seuils d'usure, tant sur l'encours que sur les taux. Ils publient une version annualisée des taux débiteurs en guise de TAEG.
Ces offres « à paliers », semblent en apparence respecter la réglementation mais sont problématiques à deux égards:
D'une part, une lecture stricte des dispositions sur la formation du contrat de crédit renouvelable (articles L.312-64 à L.312-67) ainsi que l'article plus général sur tous les crédits à la consommation (article L.312-6) laisse planer le doute que les offres à taux débiteurs variables selon l'encours du crédit soient légales. En effet, il est fait mention à plusieurs reprises d'un seul taux débiteur, typiquement « le taux débiteur », et non pas d'une formule plus large comme par exemple « les dispositions contractuelles régissant les taux débiteurs ». On peut supposer une certaine latitude du régulateur. Une clarification de la part du législateur serait bienvenue.
D'autre part, l'application de ces paliers conduit à des offres selon nous usuraires. La réglementation sur l'usure (article L.314-6) s'assied sur le—et non pas les—TAEG du contrat et le montant du crédit. Dans le cas des crédits renouvelables, le montant à prendre en compte est le montant total disponible (article L.312-57) et le calcul précis du TAEG est défini dans la réglementation nationale qui transpose verbatim les directives européennes ce depuis au moins 2016. Les règles sont disponibles à l'annexe de l'article R.314-3.
Ainsi, dans le cas d'un crédit renouvelable le TAEG est obtenu en simulant un client qui tire immédiatement l'entièreté de la ligne de crédit (partie II, hypothèse 1°) et rembourse en douze mois par mensualités égales (partie II, hypothèse 5°). Il est utile de noter que l'hypothèse 3° de la même partie tient compte des offres qui appliqueraient un amortissement séparé pour chaque utilisation.
Nous avons pû constater que les documentations disponibles ainsi que les documents précontractuels mentionnent rarement sinon jamais le TAEG conventionnel des contrats alors qu'il s'agit d'une information normalement obligatoire. L'argument que le caractère dynamique du crédit empêche un calcul de TAEG est irrecevable puisque ce cas a été addressé par la réglementation.
Appliqué aux offres disponibles sur le marché en prenant un crédit d'un montant total un peu au delà du plafond de 6000€, on arrive à des offres dont le TAEG conventionnel dépasse presque du double le taux de l'usure.
Nous sommes donc en présence d'une faillite multiple: les consommateurs sont privés d'une information normalement obligatoire lors du précontrat; sont face à des offres de fait usuraires, insincères et de légalité douteuse de part leur construction; et enfin le régulateur est privé d'un moyen de contrôle car il doit calculer lui-même le TAEG et ne bénéficie pas des alertes consommateurs.
Proposition d'un TAEG dynamique en cours de contrat
Le TAEG conventionnel est utile en situation pré-contractuelle, cependant il repose sur un scénario d'utilisation qui ne peut pas refléter la diversité des usages offerts par les offres de type crédit renouvelable.
Il nous semble important de fournir lors de l'exécution du contrat un moyen au client de contrôler le coût de son crédit notamment en phase d'amortissement et de permettre au régulateur de s'appuyer dessus pour le contrôle de la conformité d'un contrat relativement aux règles sur l'usure.
À cette fin, nous proposons d'introduire la notion de TAEG dynamique qui reprendra les paramètres de la phase d'amortissement, et devra être communiqué par le prêteur lors du relevé périodique.
Nous proposons de réutiliser la formule d'équivalence des flux avec des paramètres adaptés. Le point de départ du calcul est fixé au moment de la dernière utilisation active du crédit. Il consiste à équilibrer d'une part le capital effectivement emprunté suite à cette dernière utilisation et d'autre part les remboursements déjà effectués ainsi que les remboursements prévisibles selon les termes du contrat jusqu'à l'extinction de la dette, en prenant l'hypothèse d'une absence d'utilisation active ultérieure du crédit.
Il est à noter qu'une utilisation ultérieure du crédit renouvelable ou un remboursement anticipé futur invalidera les hypothèses de calcul de ce TAEG dynamique—mais pas forcément sa valeur selon la manière dont le prêteur a structuré son offre. Cela ne nous semble pas problématique dans le sens qu'un emprunt supplémentaire correspond à une nouvelle prise de risque de la part du prêteur—justifiant une invalidation de toutes les hypothèses—et toute action manuelle altère de toutes façons les paramètres de la phase d'amortissement à savoir le coût total du crédit, le nombre de mensualités restantes, et leur montant. Le choix du point de départ au point de la dernière utilisation permet, si le client s'en tient au plan d'amortissement prévu, que la valeur calculée reste constante jusqu'à extinction de la dette. La réglementation limitant le nombre de mensualités (articles L.312-65 et D.312-27 ) a fait ce même choix technique. Une présentation simple lors du relevé périodique permet de lever toute ambiguité, par exemple « Si vous n'utilisez plus votre crédit, le solde restant sera réglé en X mensualités d'un montant de Y EUR à un TAEG de Z% pour un montant total de T EUR ».
À noter les points suivants :
- la double définition d'un TAEG ex-ante et ex-post n'est pas un concept inédit: il est déjà implémenté dans le cas des découverts en compte, type de crédits qui sont sujets à une utilisation dynamique, il n'y a donc pas innovation réglementaire.
- Pour ce qui est de la conformité européenne, il ne devrait pas y avoir d'incidence: d'une part la définition du TAEG en cours de contrat est égale au TAEG conventionnel dans le cas de l'usage du contrat de crédit selon la formule conventionnelle; ce TAEG dynamique ne se subsitute pas au TAEG conventionnel pré-contrat, par construction; et enfin son usage potentiel pour contrôle de l'usure reste une compétence nationale.
- Cette définition protège les consommateurs et le régulateur d'une application malicieuse par le prêteur de paramètres de taux débiteurs qui optimiserait le TAEG conventionnel tout en cachant une offre insincère dans la pratique car il n'y a plus aucune variable d'interprétation quant à la durée et aux montants.
- La manière la plus simple pour les prêteurs de rendre leurs offres lisibles et de s'assurer une conformité avec l'esprit de la réglementation sur l'usure est de geler le taux débiteur au moment de la dernière utilisation du crédit, une utilisation ultérieure pouvant déclencher un réajustement du taux. Némmoins ce n'est pas ni à la loi ni à la réglementation de dicter au prêteur comment structurer son offre. Le TAEG pré-contractuel et le TAEG dynamique fournissent une analyse « boîte noire » des coûts du prêt sans devoir rentrer dans les détails du fonctionnement du contrat.
- La réglementation actuelle utilise la dernière utilisation du crédit comme point de départ pour certains paramètres dont notamment la durée de remboursement et la mensualité minimale (L.312-65 et D.312-27), il n'y a donc pas introduction d'un « jalon » nouveau lors de l'exécution du contrat de prêt.
- Les prêteurs disposent déjà des éléments nécéssaires au calcul car l'essentiel est disponible parmis les mentions obligatoires sur le relevé de période. Par ailleurs les prêteurs disposent des logiciels de calcul de flux actuariels de part leur métier et des autres exigences réglementaires qui s'appliquent aux contrats de prêt.
- Nous considérons que les dispositifs tant législatifs que réglementaires sur l'usure donnent suffisamment de moyens au régulateur, il ne nous semble pas opportun à ce stade de toucher à cette section du code de la consommation. Nous ne prétendons pas nous substituer au régulateur dans son appréciation du marché ou de sa décision de réglementation de l'usure, nous nous contentons de lui donner un outil supplémentaire pour orienter son action.
Moyens d'action
Régulateur / ACPR / Associations de consommateurs
La persistence d'offres sur le marché qui sont de fait usuraires nous semble refléter l'existence d'un point aveugle du régulateur. Il serait bon d'être vigilant sur cet aspect.
Cadre législatif
[Sénat, commission des affaires économiques]
Nous proposons de:
- rajouter au premier alinéa de l'article L.312-71 du code de la consommation relatif au relevé périodique un 7°-bis qui impose au prêteur de fournir le TAEG dynamique.
- supprimer la mention au taux effectif global au 4°. En effet il s'agit simplement d'une annualisation du taux débiteur de période, qui n'a pas grand intérêt pour un consommateur dans le cas d'une offre à taux débiteurs dynamiques. Néammoins dans le cas d'une formule à taux débiteur unique ou fixé au moment de la dernière utilisation du crédit, le TAEG dynamique sera bien égal à l'annualisation de ce taux débiteur. Cette suppression n'est donc pas dommageable sur les formules simples et apporte de la clareté pour les formules plus complexes.
Il faut aussi noter que la partie législative dans toute cette section du code parle de Taux Effectif Global, notion désuète remplacée depuis par le Taux Annuel Effectif Globlal, une correction serait utile. Il est proposé ici de conserver taux effectif global par cohérence de l'ensemble du texte.
Cet amendement a pour objet d'ancrer le concept de TAEG dynamique et de permettre un point de comparaison important pour les clients: combien cela me coûte de payer cette dette. Si le taux paraît excessif au client il peut chercher à racheter le crédit pour un crédit amortissable, ou mobiliser d'autres moyens de financement moins chers.
Au premier alinéa de l'article L.312-71 du code de la consommation:
Au 4° les mots « et le taux effectif global » sont supprimés.
Après le 7°, il est inséré un 7°-bis ainsi rédigé : « 7°-bis Le taux effectif global représentant l'opération d'extinction de la dette dans le cas où il n'y a plus d'utilisation active ultérieure. Les modalités de calcul sont déterminées par un décret en Conseil d'État; »
(On pourra vouloir créer un nouvel article au code de la consommation qui consacre le double dispositif du TAEG et y faire ensuite référence depuis l'article L.312-71. Il est inutile à ce stade de discuter de ce point de légistique)
Cadre réglementaire
Travailler avec l'ACPR pour la rédaction du mode de calcul de ce TAEG d'extinction ou dynamique.
(L'article L.312-71 n'ayant pas d'équivalent dans la partie réglementaire, on voudra possiblement créer un R.312-71 de renvoi vers la section qui dispose du calcul de TAEG. Il n'est pas utile de discuter de ce point de légistique à ce stade.)
Nous proposons la création d'un article R. 314-7-1, inséré après l'article R.314-7 qui concerne les découverts en compte:
Art. R.314-7-1. – Pour un crédit renouvelable, lorsque le taux annuel effectif global est calculé avant toute utilisation, le calcul est effectué selon les modalités prévues à l'annexe du R.314-3
Pendant l'utilisation du crédit, le taux annuel effectif global est calculé en appliquant la méthode des flux équivalents en rapportant :
1° D'une part, le capital effectivement emprunté au terme de la période correspondant à la dernière utilisation active du crédit;
2° D'autre part, les remboursements déjà effectués depuis cette période ainsi que les remboursements futurs prévus selon les modalités du contrat, jusqu'à extinction complète du capital emprunté, en supposant l'absence de nouvelles utilisations.
Le taux ainsi déterminé est communiqué à l'emprunteur dans les relevés périodiques prévus à l'article L.312-71.